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Citons-precis.com

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Citations, aphorismes, maximes, sentences, pensées poétiques...

Le savon : un poème de Francis Ponge, et mon aphorisme du jour sur...le savon

Publié par Daniel Confland sur 27 Février 2019, 22:11pm

Catégories : #pensées poétiques, #mes aphorismes

 

Francis Ponge, ou l'en-vers des mots

Francis Ponge (1899-1988) se réfère au courant surréaliste sans réellement adhérer à cette doctrine.  L'oeuvre de Francis Ponge, qui s'efforce aussi de casser le clivage entre les  vers et la prose, a pour trame la difficulté qu'il a ressentie dès son plus jeune âge pour exprimer ses émotions par le langage. Sur ce plan, il est parfaitement en phase avec la "mission" première du poète quel qu'il soit : inventer de nouveaux langages pour appréhender en profondeur l'homme et le monde. Simplement, il applique ce principe de façon singulière aux objets les plus triviaux, le cageot, la cigarette, la bougie, l'orange, le galet, le savon...pour fabriquer ce qu'il nomme des "définitions-constructions", en "jouant" sur les mots, dans tous les sens du terme.

Ses oeuvres les plus connues sont les recueils Le parti pris de choses (paru en1942, mais les textes s'échelonnent depuis 1920)) et Proêmes (1948).

DC

Parmi les sources :https://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Ponge

 

 

Le savon

Repris du site Le silence qui parle

http://lesilencequiparle.unblog.fr/2012/01/17/

(Publié le 17 janvier 2012 dans Pitres)

Si je m’en frotte les mains, le savon écume, jubile…
Plus il les rend complaisantes, souples,
liantes, ductiles, plus il bave, plus
sa rage devient volumineuse et nacrée…
Pierre magique !
Plus il forme avec l’air et l’eau
des grappes explosives de raisins
parfumés…
L’eau, l’air et le savon
se chevauchent, jouent
à saute-mouton, forment des
combinaisons moins chimiques que
physiques, gymnastiques, acrobatiques…
Rhétoriques ?

Il y a beaucoup à dire à propos du savon. Exactement tout ce qu’il raconte de lui-même jusqu’à la disparition complète, épuisement du sujet. Voilà l’objet même qui me convient.

Le savon a beaucoup à dire. Qu’il le dise avec volubilité, enthousiasme. Quand il a fini de le dire, il n’existe plus.

Une sorte de pierre, mais qui ne se laisse pas rouler par la nature : elle vous glisse entre les doigts et fond à vue d’oeil plutôt que d’être roulée par les eaux.
Le jeu consiste justement alors à la maintenir entre vos doigts et l’y agacer avec la dose d’eau convenable, afin d’obtenir d’elle une réaction volumineuse et nacrée…
Qu’on l’y laisse séjourner, au contraire, elle y meurt de confusion.

Une sorte de pierre, mais (oui ! une-sorte-de-pierre-mais) qui ne se laisse pas tripoter unilatéralement par les forces de la nature : elle leur glisse entre les doigts, y fond à vue d’oeil.
Elle fond à vue d’oeil, plutôt que de se laisser rouler par les eaux.

Il n’est, dans la nature rien de comparable au savon. Point de galet (palet), de pierre aussi glissante, et dont la réaction entre vos doigts, si vous avez réussi à l’y maintenir en l’agaçant avec la dose d’eau convenable, soit une bave aussi volumineuse et nacrée, consiste en tant de grappes de pléthoriques bulles.
Les raisins creux, les raisins parfumés du savon.
Agglomérations.
Il gobe l’air, gobe l’eau tout autour de vos doigts.
Bien qu’il repose d’abord, inerte et amorphe dans une soucoupe, le pouvoir est aux mains du savon de rendre consentantes, complaisantes les nôtres à se servir de l’eau, à abuser de l’eau dans ses moindres détails.
Et nous glissons ainsi des mots aux significations, avec une ivresse lucide, ou plutôt une effervescence, une irisée quoique lucide ébullition à froid, d’où nous sortons d’ailleurs les mains plus pures qu’avant le commencement de cet exercice.

Le savon est une sorte de pierre, mais pas naturelle : sensible, susceptible, compliquée.
Elle a une sorte de dignité particulière.
Loin de prendre plaisir (ou du moins de passer son temps) à se faire rouler par les forces de la nature, elle leur glisse entre les doigts ; y fond à vue d’oeil, plutôt que de se laisser rouler unilatéralement par les eaux.


Francis Ponge

°°°

 

"L’homme n’est pas sans contradictions : quand il passe un savon à quelqu’un pour sa conduite, il est rare qu’il s’en lave ensuite les mains.…" (Daniel Confland)

"L’homme n’est pas sans contradictions : quand il passe un savon à quelqu’un pour sa conduite, il est rare qu’il s’en lave ensuite les mains.…" (Daniel Confland)

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L
OUAH !!!!!!!
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