Trois poèmes sur le papillon : De Nerval, Ponge, Amiel, suivis de l'origine de l'expression "Minute, Papillon !" et de celle de "L'effet papillon".
Poèmes
Gérard de Nerval (Odelettes, 1853)
I
De toutes les belles choses
Qui nous manquent en hiver,
Qu’aimez-vous mieux ? – Moi, les roses ;
– Moi, l’aspect d’un beau pré vert ;
– Moi, la moisson blondissante,
Chevelure des sillons ;
– Moi, le rossignol qui chante ;
– Et moi, les beaux papillons !
Le papillon, fleur sans tige,
Qui voltige,
Que l’on cueille en un réseau ;
Dans la nature infinie,
Harmonie
Entre la plante et l’oiseau !…
Quand revient l’été superbe,
Je m’en vais au bois tout seul :
Je m’étends dans la grande herbe,
Perdu dans ce vert linceul.
Sur ma tête renversée,
Là, chacun d’eux à son tour,
Passe comme une pensée
De poésie ou d’amour !
Voici le papillon « faune »,
Noir et jaune ;
Voici le « mars » azuré,
Agitant des étincelles
Sur ses ailes
D’un velours riche et moiré.
Voici le « vulcain » rapide,
Qui vole comme un oiseau :
Son aile noire et splendide
Porte un grand ruban ponceau.
Dieux ! le « soufré », dans l’espace,
Comme un éclair a relui…
Mais le joyeux « nacré » passe,
Et je ne vois plus que lui !
II
Comme un éventail de soie,
Il déploie
Son manteau semé d’argent ;
Et sa robe bigarrée
Est dorée
D’un or verdâtre et changeant.
Voici le « machaon-zèbre »,
De fauve et de noir rayé ;
Le « deuil », en habit funèbre,
Et le « miroir » bleu strié ;
Voici l' »argus », feuille-morte,
Le « morio », le « grand-bleu »,
Et le « paon-de-jour » qui porte
Sur chaque aile un oeil de feu !
Mais le soir brunit nos plaines ;
Les « phalènes »
Prennent leur essor bruyant,
Et les « sphinx » aux couleurs sombres,
Dans les ombres
Voltigent en tournoyant.
C’est le « grand-paon » à l’oeil rose
Dessiné sur un fond gris,
Qui ne vole qu’à nuit close,
Comme les chauves-souris ;
Le « bombice » du troëne,
Rayé de jaune et de vent,
Et le « papillon du chêne »
Qui ne meurt pas en hiver !…
Voici le « sphinx » à la tête
De squelette,
Peinte en blanc sur un fond noir,
Que le villageois redoute,
Sur sa route,
De voir voltiger le soir.
Je hais aussi les « phalènes »,
Sombres hôtes de la nuit,
Qui voltigent dans nos plaines
De sept heures à minuit ;
Mais vous, papillons que j’aime,
Légers papillons de jour,
Tout en vous est un emblème
De poésie et d’amour !
III
Malheur, papillons que j’aime,
Doux emblème,
A vous pour votre beauté !…
Un doigt, de votre corsage,
Au passage,
Froisse, hélas ! le velouté !…
Une toute jeune fille
Au cœur tendre, au doux souris,
Perçant vos cœurs d’une aiguille,
Vous contemple, l’œil surpris :
Et vos pattes sont coupées
Par l’ongle blanc qui les mord,
Et vos antennes crispées
Dans les douleurs de la mort.
Source : https://www.poetica.fr/poeme-606/gerard-de-nerval-les-papillons/
Francis Ponge (Le parti pris des choses, 1942)
Lorsque le sucre élaboré dans les tiges surgit au fond des fleurs, comme des tasses mal lavées, – un grand effort se produit par terre tous les Papillons tout à coup prennent leur vol.
Mais comme chaque chenille eut la tête aveuglée et laissée noire, et le torse amaigri par la véritable explosion d’où les ailes symétriques flambèrent,
Dès lors le papillon erratique ne se pose plus qu’au hasard de sa course, ou tout comme.
Allumette volante, sa flamme n’est pas contagieuse. Et d’ailleurs, il arrive trop tard et ne peut que constater les fleurs écloses. N’importe : se conduisant en lampiste, il vérifie la provision d’huile de chacune. Il pose au sommet des fleurs la guenille atrophiée qu’il emporte et venge ainsi sa longue humiliation amorphe de chenille au pied des tiges.
Minuscule voilier des airs maltraité par le vent en pétale superfétatoire, il vagabonde au jardin.
Source : https://www.poemes.co/le-papillon.html-0
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A voir sur le blog :"
Le savon : un poème de Francis Ponge, et mon aphorisme du jour sur...le savon :
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Henri-Frédéric Amiel (Grains de mil, 1854)
I
De fleur en fleur, papillon,
Et de tige en tige,
Beau d'or et de vermillon,
Fin d'aigrette et d'aiguillon,
Étourdi, voltige !
Dans la corolle, au matin,
Comme une épousée
Sous ses rideaux de satin,
Furtif, d'un baiser lutin,
Surprends la rosée.
Toi qu'un zéphyr caressant
Fit à l'aube éclore,
Rêve ailé qui tremble et sent,
Effleure tout, beau passant,
Fils léger d'Aurore.
II
La vie, éclair qui s'enfuit,
Dore toutes choses,
Puis, les rendant à la nuit,
Indifférente, poursuit
Ses métamorphoses.
Un point bleu, signe effrayant
Que trace la joie,
Rit sur tout front souriant,
Mais au chagrin, trait fuyant,
Désigne sa proie.
Tu jouis : tu vas souffrir ;
Vent qui souffle tombe ;
Tout ce qui naît doit mourir ;
La fleur germe pour fleurir,
Fleurit pour la tombe.
Astre qui, sur un fond noir,
Naît, luit, vole et passe,
Chaque être est brillant d'espoir,
Mais, météore d'un soir,
S'éteint dans l'espace.
Bulle éblouissante aux yeux,
Qu'un rayon allume,
Où l'œil croit voir terre et cieux
Qu'es-tu, monde sérieux ?
Un jouet d'écume.
Donc, papillon palpitant,
Puisque monde ou rose
Ne dure, hélas! qu'un instant,
En ton vol, bel inconstant,
Jamais ne te pose.
III
L'esprit creuse pour savoir
L'effet et la cause
Mais ce monde est un miroir ;
L'esprit ne peut que s'y voir,
Et l'énigme est close.
Fouillant son problème ardu,
Au profond de l'onde,
Nuit et jour, l'œil éperdu
Sonde... mais un plomb perdu
N'est point une sonde.
Ignorants, que pouvons-nous ?
Mais cette impuissance
Ne tourmente que les fous ;
Tirons-en le miel si doux,
Miel de jouissance.
Donc, papillon, folâtrons
De la plaine aux cimes ;
Volons, demain nous mourrons ;
Rions, demain nous irons
Voir les grands abîmes.
IV
Ainsi tu fais, papillon
A l'aile éphémère ;
Et, narguant l'humble grillon,
Inquiet, par tout sillon,
Tu suis ta chimère.
Fils de l'air, quand, parcourant
Tout ton frais empire,
Tu vas butinant, errant,
Ton cœur libre, ô conquérant,
Librement respire.
Mais, fils du zéphyr, sens-tu
Ce cœur qui soupire ?
Cœur volage et combattu,
Pourquoi soupirer ? Peux-tu,
Peux-tu nous le dire ?
V
Ô papillon, de Psyché
Magnifique emblème,
En tout calice penché,
Ton cœur avide a cherché,
Recherché qui l'aime.
Sais-tu, sous le dôme bleu,
Sais-tu ce qu'on aime !
Ou ce que cherche en tout lieu
La vierge aux ailes de feu,
Cet autre toi-même ?
Dans l'Olympe radieux,
La vierge réclame
Des mortels, des morts, des dieux,
Son amant mystérieux,
Et Psyché, c'est l'âme.
Promenant par tout séjour
Le deuil que tu cèles,
Psyché-papillon, un jour
Puisses-tu trouver l'Amour
Et perdre tes ailes !
De fleur en fleur, papillon,
Et de tige en tige,
Fin d'aigrette et d'aiguillon,
Beau d'or et de vermillon,
Papillon, voltige !
Source : https://www.poesie-francaise.fr/henri-frederic-amiel/poeme-le-papillon.php
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A voir aussi sur le blog
Le poème du jour : Le Papillon, d'Alphonse de Lamartine : http://www.citons-precis.com/2019/03/papillon.html
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"Minute papillon !" : l'origine de l'expression
Sens : Attendez, n'allez pas trop vite; je ne suis pas d'accord.
Une première explication, amusante, viendrait d'un café parisien, qui aurait été fréquenté dans les années 30 par les journalistes du Canard Enchaîné. A chacune de leurs demandes pour se faire servir, le serveur nommé Papillon, toujours débordé, répondait invariablement "Minute, j'arrive !". D'où le surnom dont les journalistes l'auraient affublé, "Minute Papillon", pour signifier "pas trop vite", "ne pas se presser".
Les lexicographes avancent l'explication d'une origine antérieure (vers 1900) : le papillon, qui passe rapidement d'une fleur à une autre (cf. le verbe "papillonner"), serait employé métaphoriquement, dans une discussion, par l'une des parties pour demander à l'autre de s'interrompre afin de pouvoir argumenter à son tour.
Sources :
"L'effet papillon" : quésaco ?
En 1972, le météorologue Edward Lorenz donne aux Etats-Unis une conférence sur les prévisions météorologiques à plus d'un an. Le titre : "Prédictibilité : le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? "En fait, il s'agit d'une métaphore pour répondre par la négative : il n'est pas possible de négliger totalement l'incertitude, d'une part, et d'autre part les prévisions ne sauraient prendre en compte tous les facteurs constituant l'environnement, y compris des variations modestes.
Des travaux plus récents ont montré que les petites variations n'avaient guère d'impact, en fait. Mais la sensibilité générale aux conditions environnementales initiales demeure valable, ce que veut inférer Lorenz lorsqu'il parle des difficultés à prévoir le temps à long terme.
En tout état de cause, il est erroné d'utiliser l'effet papillon pour signifier qu'à "petites causes grands effets", comme on le fait souvent, en comparant la formule à celle de Pascal : "Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé."
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_papillon
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Une liste de sites sur les papillons : https://lepidopteres.wordpress.com/2010/05/17/liste-de-site-sur-les-papillons/
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