L'histoire sociale du XIXème siècle a vu naître un "père-la-pudeur" (*), qui a enfanté des êtres inutilement rigides et intolérants, pour lesquels les choses du corps et du sexe devraient rester claquemurées dans la sphère intime. On notera en même temps qu'il n'existe guère de "mère-la-pudeur", comme si la surveillance des comportements impudiques relevaient par nature de la gent masculine. Et c'est d'ailleurs à un héritage du patriarcat que la pudeur - ou l'impudeur - est associée principalement aux femmes. Si le vêtement dénude les femmes, le regard aussi, perçu comme l'avant-garde de la lubricité. Des religions veulent ainsi vêtir entièrement le corps pour ne pas lever la moindre parcelle du voile de pudeur qui doit entourer la femme hors de l'intimité et des relations sexuelles socialement légitimes. A l'opposé, le naturisme ne serait en rien impudique dès lors que les regards échangés entre deux nudistes, quel que soit le sexe des protagonistes, ne montrent ni honte ni concupiscence.
Dans le domaine du sexe, seul l'amour a longtemps eu la force de soumettre à son joug la pudeur, telle qu'elle s'est constituée avec le temps dans les sociétés occidentales. Mieux, si la société actuelle dite "libérée" montre sans complexe à longueur de magazines des corps dévêtus dans des poses suggestives, ridiculisant les prudes et les pudibonds, hommes et femmes confondus, la pudeur reste encore chez les futurs amants une charmante entrée en matière pour éprouver le désir et installer les fondements d'une relation amoureuse.
La pudeur des sentiments qui se manifeste par une difficulté d'expression est une autre variété de la pudeur. Avatar de la timidité comme de l'éducation, elle est unisexe. Avec néanmoins une propension chez l'homme, où trop exprimer ses sentiments est souvent ressenti comme un accroc à la virilité. Mais dans le rapport aux sentiments féminins, l'homme craint aussi pour lui-même : crainte de la pudeur feinte, de la pudeur artifice de séduction, qui serait employée par les femmes pour mieux attirer le mâle dans ses filets.
Pour autant, la pudeur ne se réduit pas au corps, au sexe et aux sentiments amoureux, et le terme comme le concept se sont depuis longtemps étendus au domaine social. Car il est une pudeur que l'on rencontre chez les pauvres, chez les déclassés, chez les chômeurs. Il s'agit d'un sentiment de honte qui ne veut ni ne peut s'exprimer par des paroles. Dernier refuge de la dignité, cette pudeur là n'en reste pas moins la cause de bien des maux, physiques et moraux, et l'antichambre de colères individuelles ou collectives.
Daniel Confland
(*) Tel était le surnom, rapporte le site Wikipédia, "du sénateur Béranger, qui, à fin du XIXe siècle, (s'était érigé en) roi de la censure (...obsédé par la bonne moralité de ses concitoyens (il était un farouche opposant à l'émancipation des femmes et à leur droit au plaisir."
(https://fr.wiktionary.org/wiki/Père-la-pudeur)
Image : Allongement approprié des jupes des jeunes filles au XIXème siècle, de 4 à 16 ans, selon le Harper's Bazaar en 1868, Widipédia CC.
Tags : pudeur - impudeur - décence - indécence - pudique - pruderie - pudibonderie - gêne - citations.
°°°
40 citations sur la pudeur
- La pudeur est née avec l'invention du vêtement.
(Mark Twain)
- La pudeur sexuelle est un progrès sur l'exhibitionnisme des singes.
(Rémy de Gourmont)
- En même temps qu'elle quitte sa chemise, une femme se dépouille de sa pudeur.
(Hérodote)
(Jean-Jacques Rousseau)
- C'est par les robes décolletées que s'évapore peu à peu la pudeur des femmes.
(Alexandre Dumas)
(Mère Teresa)
- La pudeur est une question d'éclairage.
(Etienne Rey)
- Les amants ignorent la pudeur.
(Rivarol)
- La pudeur, c'est un sentiment délicat et nuancé, un sentiment très fin et très joli.
(Marcel Pagnol)
- La pudeur est nécessaire à l'amour, sinon il se vulgarise et perd de sa saveur originelle.
(Benoît Lacroix)
- La pudeur est un voile dont on s'habille par amour pour une seule personne devant qui on est impudique.
(Hubert Aquin)
- L'amour véritable s'enveloppe toujours des mystères de la pudeur, même dans son expression, car il se prouve par lui-même il ne sent pas la nécessité, comme l'amour faux, d'allumer un incendie.
(Balzac)
- L’amour est le miracle de la civilisation. Et la pudeur prête à l’amour le secours de l’imagination, c’est lui donner la vie.
(Vladimir Jankelévitch)
- L'éducation confère aux femmes le privilège de retrouver à chaque nouvelle aventure amoureuse l'essentiel de leur virginité : la pudeur.
(Sacha Guitry)
- La pudeur n'est qu'un artifice qui confère plus de valeur à l'abandon.
(Henri de Régnier)
(Maurice Chapelan)
- L'éducation confère aux femmes le privilège de retrouver à chaque nouvelle aventure amoureuse l'essentiel de leur virginité : la pudeur.
(Sacha Guitry)
- La pudeur n'est qu'un artifice qui confère plus de valeur à l'abandon.
(Henri de Régnier)
(Maurice Chapelan)
- La pudeur est la ruine de la courtisane.
(Proverbe sanskrit)
(Paul Morand)
- L'inconvénient de la pudeur, c'est qu'elle jette sans cesse dans le mensonge.
(Stendhal)
- La pruderie est l'hypocrisie de la pudeur.
(Nicolas Massias)
- La pudeur est la conception la plus raffinée du vice. Elle parachève l'hypocrisie des sentiments.
(Maurice Dekobra)
(Nicolas Restif de la Bretonne)
(Jean-Paul Toulet)
(Jean-Jacques Rousseau)
(André Suarès)
- Il est plaisant qu'on ait fait une loi de la pudeur aux femmes, qui n'estiment dans les hommes que l'effronterie.
(Vauvenargues)
- Qu'un ami véritable est une douce chose ! / Il cherche vos besoins au fond de votre cœur; / Il vous épargne la pudeur / De les lui découvrir lui même : / Un songe, un rien, tout lui fait peur / Quand il s'agit de ce qu'il aime.
°°°