Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Citons-precis.com

Citons-precis.com

Citations, aphorismes, maximes, sentences, pensées poétiques...

Citations de Rosa Luxembourg (née le 5 mars 1871), extraites de ses "Lettres de prison"

Publié par Daniel Confland sur 5 Mars 2024, 12:52pm

Catégories : #gens connus

 

L'ardente militante révolutionnaire : un hymne à l'action

Aujourd'hui 5 mars est le jour anniversaire de la naissance de Rosa Luxembourg. Militante depuis la fin de son adolescence en Pologne où elle est née, elle est l'une des fondatrices en 1893 du parti social démocrate de Pologne, en réaction contre la politique du parti socialiste. En 1893 aussi, Rosa Luxemburg fait sa première intervention en public au congrès de l'Internationale ouvrière. Elle s'installe bientôt en Allemagne où elle pense pouvoir mener son activité politique avec plus d'efficacité. Elle en prendre plus tard la nationalité.

A Berlin, elle est confrontée à un climat d'antisémitisme, elle qui est issue d'une famille juive. Son activité militante est extrême, tant par la parole que par ses écrits, sous forme  de livres et d'articles. Elle le restera tout au long de sa vie. En juillet 1904, elle est emprisonnée à Berlin pour avoir critiqué l'Empereur Guillaume II. Elle est de nouveau emprisonnée en 1906 pour avoir incité le prolétariat allemand à entrer dans un processus révolutionnaire, à l'instar de la révolution russe de 1905. Elle effectue sa peine entre juin et juillet 1907. Mais pour Rosa Luxembourg, il ne s'agit pas de prendre la direction de la révolution mais d'éclairer le peuple dans cette direction. Elle critique alors vivement le parti socialiste allemand pour sa politique réformiste. En 1907, toujours, elle fait adopter au Congrès international socialiste une résolution prônant qu'en cas de conflit armé en Europe la classe ouvrière devra se soulever pour y mettre fin et hâter ainsi la fin du capitalisme.

Alors que la guerre menace en 1913, Rosa Luxembourg est condamnée de nouveau à la prison en raison de ses vibrants discours contre un conflit et contre l'armée allemande : les ouvriers allemands ne doivent pas être amenés à combattre contre d'autres ouvriers où que ce soit dans le monde. Sans attendre que sa peine soit effective, elle fonde en août 1914 avec d'autres militants la Ligue Spartakiste, un mouvement révolutionnaire d'extrême gauche, internationaliste, alors même que les socialistes allemands renoncent à cet idéal et votent les crédits de guerre. Rosa Luxembourg commence sa peine de prison en février 1915. La nouvelle ligue manifeste vivement contre la guerre et Rosa Luxembourg est une nouvelle fois emprisonnée en juillet 1916. Ses rapports avec les bolchéviks au pouvoir en Russie sont difficiles : elle leur reproche entre autres d'avoir mis en place une forme de dictature au profit de quelques politiciens au détriment du prolétariat, et de brider la liberté en tous domaines qui seule peut assurer la domination des masses populaires. Elle leur reproche aussi de se couper des autres prolétariats européens. 

Rosa Luxembourg est libérée de prison après la révolution allemande de novembre 1918 qui prononce une amnistie. Des conseils d'ouvriers et de soldats se répandent dans toute l'Allemagne. Fin décembre 1918, les spartakistes fondent le Parti communiste d'Allemagne. Même si elle la juge prématurée, Rosa Luxembourg soutient l'insurrection spontanée et désorganisée qui s'ensuit. Celle-ci est écrasée par les corps  francs mis en place par le SPD. Arrêtée une nouvelle fois, Rosa Luxembourg tuée d'une balle dans la tête par les militaires chargés de l'emmener vers son lieu de détention. On est le 15 janvier 1919 et Rosa Luxembourg a 47 ans.

DC

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rosa_Luxemburg

 

Portrait de Rosa Luxembourg à une date inconnue.

 

La femme : l'hymne à la vie d'un être humain

Comme elle le dit elle-même, Rosa Luxembourg est capable dans l'action politique d'une dureté semblable à une lame d'acier. Elle condamne les pleutres et les mous, tous ceux qui renoncent. A l'opposé, cette combattante, dans sa vie personnelle et malgré les chagrins, personnifie le vie et en appelle à elle, même dans les moments les plus sombres de son existence, et même dans le "trou" des prisons :

"...La vie est "ainsi", depuis toujours, et tout en fait partie : douleur, séparation et nostalgie. Il faut la prendre comme un tout, et TOUT trouver beau et bien. Enfin, c'est comme ça que je fais. Et pas par sagesse longuement méditée, mais simplement parce que telle est ma nature. Je sens instinctivement que c'est la seule façon juste de prendre la vie, voilà pourquoi je me sens réellement heureuse dans n'importe quelle situation. Je ne voudrais RIEN retrancher de ma vie, que rien ne fût autre que ça a été, ni ce que c'est."

Rosa  est une épistolière exceptionnelle, notamment dans ses Lettres de prison, dont on lira ci-dessous des extraits. Dans cette prose joyeuse, au-delà de sa ligne de conduite personnelle, la vie s'exalte dans les moindres aspects de la nature : les fleurs, les levers ou couchers de soleil, les semences vertes du printemps, et surtout les oiseaux dont elle admire les couleurs et les évolutions. Et ce qu'elle décrit est beau.

Lettres de prison

23 février 1915, prison de Berlin. 

Je suis heureuse de me lever aussi tôt (5h40), j'attends juste que Monsieur le Soleil veuille bien suivre mon exemple pour profiter un peu de ce lever matinal. Le plus beau, c'est que je vois et j'entends les oiseaux pendant la promenade dans la cour : tout un peuple de moineaux insolents, qui font parfois un tel raffût que je m'étonne qu'aucun garde zélé n'y mette le "holà"; il y a aussi un couple de merles, mais le petit mâle au bec jaune ne chante pas du tout comme mes merles de Südende. Celui-là crisse et chuinte un petit air à pleurer de rire ; peut-être qu'aux alentours de Mars, il consentira à montrer un peu de pudeur et qu'il se mettra alors à chanter comme il faut. (A ce propos, je ne peux m'empêcher de penser à mes pauvres moineaux qui ne trouvent plus leur petit couvert dressé sur le balcon et qui attendent sans doute tout dépités, sur la balustrade.)

Mai 1916, prison de Brislau.

Au milieu des ténèbres, je souris à la vie, comme si je connaissais la formule magique qui change le mal et la tristesse en clarté et en bonheur. Alors, je cherche une raison à cette joie, je n'en trouve pas et ne puis m'empêcher de sourire de moi-même. Je crois que la vie elle-même est l'unique secret. Car l'obscurité profonde est belle et douce comme du velours, quand on sait l'observer. Et la vie chante aussi dans le sable qui crisse sous les pas lents et lourds de la sentinelle, quand on sait l'entendre.

28 décembre 1916, prison de Wronke.

Fais donc en sorte de rester un être humain. C'est ça l'essentiel, être humain. Et ça, ça veut dire être solide, clair et calme, oui calme, envers et contre tout,car gémir est l'affaire des faibles. Etre humain, c'est s'il le faut, mettre gaiement sa vie toute entière "sur la grande balance du destin", tout en se réjouissant de chaque belle journée et de chaque beau nuage. Je ne sais pas hélas donner de recette, je ne sais pas dire comment on fait pour être humain, je sais seulement comment on l'est.

7 février 1917, prison de Wronke .

Sur ma tombe, comme dans ma vie, il n'y aura pas de phrases grandiloquentes. Sur la pierre de mon tombeau, on ne lira que deux syllabes : "tsvi-tsvi". C'est le chant des mésanges charbonnières que j'imite si bien qu'elles accourent aussitôt. Et firgurez-vous que dans ce "tsvi-tsvi" qui, jusque là, fusait clair et fin comme une aiguille d'acier, il y a depuis quelques jours un tout petit trille, une minuscule note de poitrine. Et savez-vous, Mademoiselle Jacob, ce que cela signifie ? C'est le premier léger mouvement du printemps qui arrive. Malgré la neige, le froid et la solitude, nous croyons - les mésanges et moi - au printemps à venir ! Et si, par impatience, je ne devais pas vivre ce printemps, n'oubliez pas que sur la pierre de ma tombe, on ne devra rien lire d'autre que "tsvi-tsvi"...

1er juin 1917, prison de Wronke

...Je connais bien les orchidées. Dans cette merveilleuse serre de Francfort-sur-le-Main, où elles occupent toute une section, je les ai longuement étudiées, pendant plusieurs jours, après le procès qui m'a valu un an de prison. Je trouve que leur grâce légère et leurs formes bizarres, fantastiques ont quelque chose de raffiné, de décadent. Elles me font penser aux marquises précieuses et poudrées de l'époque rococo. Je les admire avec une sorte de répulsion et de malaise, car je refuse par instinct tout ce qui est décadent et pervers. Je préfère de beaucoup la simple dent-de-lion qui a la couleur du soleil et qui, tout comme moi, s'épanouit à la lumière mais se referme timidement dès que passe une ombre légère. 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article