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Citons-precis.com

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Citations, aphorismes, maximes, sentences, pensées poétiques...

Défense et illustration du PERSIFLAGE d'antan : un texte, des citations et une pensée poétique

Publié par Daniel Confland sur 11 Avril 2018, 14:53pm

Catégories : #pensées poétiques, #gens connus, #textes

 

Origine et évolution du persiflage

Le début du XVIIIème siècle : Régence, couleurs pastels, mœurs légères et badinage léger ! En tant que mot, le persiflage n'existe pas encore, mais la pratique, si ! Elisabeth Bourquinat a fait du sujet une thèse, puis un ouvrage : "Le siècle du persiflage, 1734-1789", 1998, PUF. (*)

Le mot dériverait de Persifles, héros d'une "parodie amphigourique"; la langue de Persifles, avec siffler pour étymologie, s’entendant - c’est le cas de le dire - comme un langage ampoulé et souvent parodique auxquels les petits-maîtres sacrifient dans les Salons. Selon l'auteure, le style traduit aussi une évolution littéraire qui tend à promouvoir le discours à la première personne. Elle  y voit par ailleurs des critiques sous-jacentes portées envers les philosophes à qui on reproche : "la bigarrure stylistique de leurs œuvres ou diverses mystifications auxquelles ils se livrent, Voltaire particulièrement". Le persiflage s'avère dans tous les cas "intimement lié à la réflexion de tout le siècle sur l'origine, la valeur et le pouvoir du langage".

Le mot apparaît donc dès 1734. Il franchit d'ailleurs tel quel la Manche l'année suivante. Le sens ne prête pas à mal en général, il tient du badinage léger, plaisant, il enrubanne la conversation. Les tournures du persiflage sont des tournures d'esprit, mais il faut, pour assurer sa réussite, de l'esprit de méthode, aussi, pour "parler plaisamment des choses sérieuses et sérieusement des choses frivoles", comme le dit un commentateur et le rappelle Elisabeth Bourquinat. Et justement, l'air est à la frivolité, au moins parmi les couches sociales supérieures.

Progressivement aussi, le persifleur habile se doit d'entretenir le flou sur la signification véritable qu'il met dans son propos. Les auteurs postérieurs de dictionnaires le définissent ainsi : “Se livrer à un badinage d’idées ou d’expressions qui laisse du doute ou de l’embarras sur leur véritable sens"..

Pour ma part, sans prétendre le moins du monde à la vérité historique, j'aime imaginer que ce début de moquerie, de "mise en boîte ", dirions-nous de nos jours (l'expression est dans la définition de certains dictionnaires actuels) est venu assez vite. Mais l'irrévérence, l'insolence même dont le persiflage est teinté n'est pas encore porteur de ce qu'il deviendra au tournant du dernier quart du siècle. Selon la spécialiste du genre, on assiste alors à un glissement vers l'ironie, la raillerie, Le railleur se donne un air de candide pour mieux tromper - et, j'ajoute, ridiculiser - celui ou celle qui apparaît désormais comme une victime voulue comme telle et pour de mauvaises raisons, et non comme un partenaire de jeu verbal, même si celui-ci se laisse un tantinet abuser.

Le caractère d'ironie grinçante, voire de méchanceté - c'est moi qui l'infère -, est vécu en tout cas comme tel par ceux qui parlent du persiflage, qu'ils y voient un mal social ou/et qu'ils en aient été victimes. Les dictionnaires modernes privilégient en tout cas cette acception.

Daniel Confland

(*) https://www.decitre.fr/livres/le-siecle-du-persiflage-9782130492863.html

Salon de Marie-Thérèse Geoffrin en 1755, par Lemonnier (wikipédia CC, téléversé par Mu).

Salon de Marie-Thérèse Geoffrin en 1755, par Lemonnier (wikipédia CC, téléversé par Mu).

°°°

De la critique du persiflage dans les citations

 

- Le persiflage, amas fatigant de paroles, volubilité de propos qui font rire les fous, scandalisent la raison, déconcerte les gens honnêtes ou timides, et rendent la société insupportable.

(Charles Pinot Duclos, in "Considérations sur les moeurs de ce siècle, 1751)

 

- De la joie et du coeur on perd l'heureux langage/Pour l'absurde talent d'un triste persiflage.

(Jean-Baptiste Louis Gresse)

 

Jean le Rond d'Alembert

- Bertrand (alias d'Alembert) pouvait au moins et devait s'attendre à une réponse honnete et raisonnable, et non au persiflage que vous lui transcrivez.

(D'Alembert, lettre à Voltaire)

Portrait de Jean le Rond D'Alembert par Quentin de la Tour (1753)

 

- Dites-moi si Racine a persiflé Boileau, si Boileau a persiflé Pascal.

(Voltaire à l’Abbé d’Olivet, à propos de la Prosodie)

 

-Je lui trouve de l'esprit et de la gaieté mais il est caustique et persifleur.

(Madame de Genlis, à propos du Chevalier de Celtas en 1788)

 

- Now go away then, and leave me alone. I don't want any more of your meritricious persiflage.

Partez à présent, laissez-moi seul. Je ne supporte plus votre fallacieux persiflage.

(D.H. Lawrence)

 

- L'infidèle, que pour toute vengeance il avait un peu persiflée, essaya de le fléchir, lui demandant grâce à genoux, et le suivit dans cette attitude tout le long d'une grande galerie...

(Prosper Mérimée)

°°°

Qu'il plaise donc au lecteur que je m'érige en défenseur de l'innocente et originelle manière du persiflage ! En lui consacrant cette pensée poétique...toute personnelle et idéalisée !

 

Défense du persiflage d’antan


Au bon temps des Lumières naquit le persiflage

Il faut au persifleur, à croire le Littré

Nous dire plaisamment toutes choses sérieuses

Parler avec sérieux des choses les plus frivoles

On voit l’Esprit « tout court »  percer sous l’Esprit Saint

On persifle aux Salons et l’on raille au boudoir

Les valets de théâtre s’emploient fort à la tâche

Quand le Haut du Pavé persiffle le Parvenu

La Roture se moque du noble impécunieux

Mais attention, s’il faut un jouet au persiflage

Une victime expiatoire, un rôle consentant

Persifler n’est pas jouer sans avoir un talent

Le persiflage vrai ne souffre point l’excès

Ne pas avoir l’air fin bien qu’usant de finesse

Aimer la dérision, maîtriser l’insolence

Bien faire l’ingénu dans un propos masquant

Du plaisant badinage le véritable sens

Sous l’éloge flatteur par subtiles antiphrases

Faire croire à l’entendeur que les couronnes sont vraies

Las, le gai persiflage s’étiole au fil du siècle

Et meurt, alors que s’ouvre une époque troublée

Il abandonne le rang à l’ironie mordante,

Sous le masque enjôleur du manipulateur

Persifleur n’a qu’un but, tourner en ridicule

Sa proie qui n’en peut mais, ébahie par le Verbe

Alors, si l’on m’en croit, il nous faut revenir

Au plaisant badinage, où le moqué n’est dupe

Qu’autant que le railleur est fort en comédie

Et souffre du raillé, quand il feint le benêt

De sortir à son tour réparties et saillies

A qui veut raviver ce persiflage-là

J’en suis, et mieux encore : je persifle… et je signe !

 

Daniel Confland

 

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