Au gré des circonstances : subir ou s'adapter ?
Ah, les circonstances ! On en joue et elles se jouent de nous. Elles ont bon dos quand elles nous sont défavorables et bonne réputation quand elles nous servent. Etymologiquement, les circonstances désignent "ce qui est autour, entourer" : donc l'environnement, le contexte qui change la vie, change nos plans, et nous change le cas échéant. Ceci posé, les circonstances semblent être indépendantes de notre volonté et nous priver d'anticiper leurs conséquences. La formule "au gré (au bon vouloir) des circonstances l'infère. Il faudrait se laisser balloter par elles, voire se résigner. Formule pour formule, André Gide défend au contraire la force supérieure de la volonté : il faut : "soumettre les circonstances et non se soumettre aux circonstances". C'est bien beau, mais péremptoire, et une facilité de style - un chiasme en l'occurrence - qui ne s'applique pas dans la réalité. A moins de considérer le fait de construire une glissière de sécurité sur une route de montagne bordée de ravins comme un effort de volonté visant à anticiper la circonstance d'une sortie de route mortelle. Ce qui, on en conviendra, ressort plus d'une politique de sécurité publique en matière de voierie que du principe de volonté. De fait, les choix, les décisions personnelles président aux parcours de vie : comment les circonstances pourraient elles s'y soumettre ? Je peux choisir de m'installer dans une zone inondable, mais une inondation de circonstance peut facilement m'en déloger. A l'inverse, un comportement, une décision absurdes peuvent devenir sensés après coup, après que les circonstances se sont employé à les rendre tels.
Dès lors, un mot devient incontournable, indispensable : celui d'adaptation. L'adaptation aux circonstances n'est pas un palliatif, mais une une exigence, et même dans certains cas une question de vie ou de mort. Aucune construction matérielle, aucune organisation, aucun système de pensée ne disposent d'une intangibilité dans l'instant ou la durée qui permettent de faire face à n'importe quelles circonstances. C'est dans la façon de répondre à celles-ci que réside le libre-arbitre des individus. Napoléon, s'en fait l'écho pour l'art de la guerre où il était passé maître :" Le grand art c'est de changer, pendant la bataille. Malheur au général qui arrive au combat avec un système." Plus largement, au rythme des changements dans les écosystèmes, l'Evolution des espèces sur terre est affaire d'adaptation, au gré des circonstances et du...hasard. Le hasard, selon les dictionnaires, serait le déclencheur d'évènements apparemment fortuits ou inexplicables. A cette aune, la comète qui a anéanti les dinosaures fait partie du hasard et non des circonstances changeantes du milieu terrestre.
Circonstances et hasard, voilà pourtant un couple qui engendre des confusions. On parle autant du hasard des circonstances que des circonstances du hasard - autre chiasme - , et bien légèrement. Si l'on excepte le hasard/main de Dieu (ce que réfute Albert Einstein qui affirme avec humour que le hasard, "c'est Dieu qui se promène incognito !"), le hasard est au carrefour de trois approches explicatives : par le "merveilleux", en dehors des miracles, par les aléas - une action au résultat escompté prend une tournure imprévisible et généralement mauvaise -, par l'évènement accidentel enfin, suite à la rencontre fortuite de causes indépendantes. (*) Le point commun de ces approches est l'imprévisibilité totale. S'agissant des circonstances, la part d'imprévisibilité, bien réelle, dépend quand même de l'intérêt et de l'attention qu'on porte au Changement, avec un grand C, comme de l'étude des probabilités ou de l'analyse des risques, pour ne citer que ces exemples. Autre point de rencontre entre circonstances et hasard : la science. Elle améliore la compréhension des phénomènes mais, en même temps et comme toujours, cet approfondissement lève d'autres interrogations. Bien entendu, ce point de vue n'est que...circonstanciel !
Daniel Confland
(*) Source :
https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2005-v61-n3-ltp1093/012575ar/resume/
Mots-clefs : circonstance(s) - situation - conjoncture - contexte - hasard.
La locution "étant donné" est en principe invariable si placée avant le nom, mais on trouve une forme littéraire où l'accord s'applique, comme ici par exemple. Voir :
https://dictionnaire.lerobert.com/guide/accord-du-participe-passe-employe-seul
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A suivre : 30 citations sur le thème des CIRCONSTANCES.
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