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L'automne
Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques, 1820.
Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !
Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois !
Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits,
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !
Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !
Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L'air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d'un mourant le soleil est si beau !
Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?
Peut-être l'avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu ?
La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle expire,
S'exhale comme un son triste et mélodieux.
Chant d'automne (I)
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1857.
(La seconde partie du poème a moins à voir avec l'automne ; on peut la consulter sur https://www.poetica.fr/poeme-592/charles-baudelaire-chant-automne/)
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J’entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.
J’écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L’échafaud qu’on bâtit n’a pas d’écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu’on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? – C’était hier l’été ; voici l’automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
Soupirs
Stéphane Mallarmé, Le Parnasse contemporain, 1866.
Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur, (*)
Un automne jonché de taches de rousseur,
Et vers le ciel errant de ton oeil angélique
Monte, comme dans un jardin mélancolique,
Fidèle, un blanc jet d’eau soupire vers l'Azur !
– Vers l'Azur attendri d’Octobre pâle et pur
Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie
Et laisse, sur l’eau morte où la fauve agonie
Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
Se traîner le soleil jaune d’un long rayon.
(*) L'auteur, dans ce poème, réunit l'automne, et la tristesse de ses jours, avec la tristesse qui étreint le poète depuis la mort brutale de sa jeune sœur à l'âge de 13 ans.
La mort du soleil
Charles Leconte de Lisle, Poèmes barbares, 1872.
Le vent d’automne, aux bruits lointains des mers pareil,
Plein d’adieux solennels, de plaintes inconnues,
Balance tristement le long des avenues
Les lourds massifs rougis de ton sang, ô soleil !
La feuille en tourbillons s’envole par les nues ;
Et l’on voit osciller, dans un fleuve vermeil,
Aux approches du soir inclinés au sommeil,
De grands nids teints de pourpre au bout des branches nues.
Tombe, Astre glorieux, source et flambeau du jour !
Ta gloire en nappes d’or coule de ta blessure,
Comme d’un sein puissant tombe un suprême amour.
Meurs donc, tu renaîtras ! L’espérance en est sûre.
Mais qui rendra la vie et la flamme et la voix
Au cœur qui s’est brisé pour la dernière fois ?
L'automne
Théodore de Banville, Rondels, 1875.
Sois le bienvenu, rouge Automne,
Accours dans ton riche appareil,
Embrase le coteau vermeil
Que la vigne pare et festonne.
Père, tu rempliras la tonne
Qui nous verse le doux sommeil ;
Sois le bienvenu, rouge Automne,
Accours dans ton riche appareil.
Déjà la Nymphe qui s’étonne,
Blanche de la nuque à l’orteil,
Rit aux chants ivres de soleil
Que le gai vendangeur entonne.
Sois le bienvenu, rouge Automne.
En Automne
François Coppée, L'Exilée, (1877)
Quand de la divine enfant de Norvège,
Tout tremblant d’amour, j’osai m’approcher,
Il tombait alors des flocons de neige.
Comme un martinet revole au clocher,
Quand je la revis, plein d’ardeurs plus fortes,
Il tombait alors des fleurs de pêcher.
Ah! je te maudis, exil qui l’emportes
Et me veux du coeur l’espoir arracher!
Il ne tombe plus que des feuilles mortes.
L'Automne
François Fabié, Le clocher, 1887.
A toute autre saison je préfère l’automne ;
Et je préfère aux chants des arbres pleins de nids
La lamentation confuse et monotone
Que rend la harpe d’or des grands chênes jaunis.
Je préfère aux gazons semés de pâquerettes
Où la source égrenait son collier d’argent vif,
La clairière déserte où, tristes et discrètes,
Les feuilles mortes font leur bruit doux et plaintif.
Plus de moissons aux champs, ni de foin aux vallées ;
Mais le seigle futur rit sur les bruns sillons,
Et le saule penchant ses branches désolées
Sert de perchoir nocturne aux frileux oisillons.
Et, depuis le ruisseau que recouvrent les aulnes
Jusqu’aux sommets où, seuls, les ajoncs ont des fleurs,
Les feuillages divers qui s’étagent par zones
Doublent le chant des bruits de l’hymne des couleurs.
Et les pommiers sont beaux, courbés sous leurs fruits roses,
Et beaux les ceps sanglants marbrés de raisins noirs ;
Mais plus beaux s’écroulant sous leurs langues décloses,
Les châtaigniers vêtus de la pourpre des soirs.
Ici c’est un grand feu de fougère flétrie
D’où monte dans le ciel la fumée aux flots bleus,
Et, comme elle, la vague et lente rêverie
Du pâtre regardant l’horizon nébuleux.
Plus loin un laboureur, sur la lande muette,
S’appuie à la charrue, et le soleil couchant
Détache sur fond d’or la fière silhouette
Du bouvier et des boeufs arrêtés en plein champ.
L’on se croirait devant un vitrail grandiose
Où quelque artiste ancien, saintement inspiré,
Aurait représenté dans une apothéose
Le serf et l’attelage et l’araire sacré…
Automne
Emile Verhaeren (1895)
Matins frileux
Le temps se vêt de brume ;
Le vent retrousse au cou des pigeons bleus
Les plumes.
La poule appelle
Le pépiant fretin de ses poussins
Sous l’aile.
Panache au clair et glaive nu
Les lansquenets des girouettes
Pirouettent.
L’air est rugueux et cru ;
Un chat près du foyer se pelotonne ;
Et tout à coup, du coin du bois résonne,
Monotone et discord,
L’appel tintamarrant des cors
D’automne.
Le Parc
Albert Samain, Le chariot d'or, 1900.
Dans le parc aux lointains voilés de brume, sous
Les grands arbres d’où tombe avec un bruit très doux
L’adieu des feuilles d’or parmi la solitude,
Sous le ciel pâlissant comme de lassitude,
Nous irons, si tu veux, jusqu’au soir, à pas lents,
Bercer l’été qui meurt dans nos coeurs indolents.
Nous marcherons parmi les muettes allées ;
Et cet amer parfum qu’ont les herbes foulées,
Et ce silence, et ce grand charme langoureux
Que verse en nous l’automne exquis et douloureux
Et qui sort des jardins, des bois, des eaux, des arbres
Et des parterres nus où grelottent les marbres,
Baignera doucement notre âme tout un jour,
Comme un mouchoir ancien qui sent encor l’amour.
Automne
Anna de Noailles, Le cœur innombrable, 1901.
Voici venu le froid radieux de septembre :
Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres ;
Mais la maison a l’air sévère, ce matin,
Et le laisse dehors qui sanglote au jardin.
Comme toutes les voix de l’été se sont tues !
Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ?
Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois
Que la bise grelotte et que l’eau même a froid.
Les feuilles dans le vent courent comme des folles ;
Elles voudraient aller où les oiseaux s’envolent,
Mais le vent les reprend et barre leur chemin
Elles iront mourir sur les étangs demain.
Le silence est léger et calme ; par minute
Le vent passe au travers comme un joueur de flûte,
Et puis tout redevient encor silencieux,
Et l’Amour qui jouait sous la bonté des cieux
S’en revient pour chauffer devant le feu qui flambe
Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes,
Et la vieille maison qu’il va transfigurer
Tressaille et s’attendrit de le sentir entrer.
Automne
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913.
Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son boeuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s’en allant là-bas le paysan chantonne
Une chanson d’amour et d’infidélité
Qui parle d’une bague et d’un coeur que l’on brise
Oh! l’automne l’automne a fait mourir l’été
Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises.
Automne
Pierre Coran, 1979; source : paperblog/poésie en images
L'automne
Chloe Douglas, 1991.
De boue le chemin est devenu.
Les arbres encore vivement vêtus.
La pluie récente parfume l’air.
Un million de feuilles se couchent par terre.
A la descente de la brume,
le bois secret s’allume.
L’enchantement est divin,
le temps n’a plus de fin.
Errer dans le bois,
voler du passé,
ramasser du thym
gentiment faire du thé.
Rarement le silence reste
dans ce ruisseau fascinant.
Caresser tout le savoir
dans les bras de maintenant.
S'il vous plaît
Stephen Moysan, En route vers l'horizon, (2012-2017)
Ciel d’automne -
La pluie a
Le gout des nuages.
Mort de faim de vivre
Jusqu’à l’ivresse
J’ai soif d’autre chose.
Donnez-moi à boire
Ce qui réchauffe le cœur :
Des mots d’amour.
Et bien sûr, l'inoubliable et intemporel poème : Chanson d'automne, morceau de roi du recueil Poèmes saturniens (1866), ici mis en musique et interprété avec talent par Charles Trénet.
Plusieurs sites ont également rassemblé des poèmes sur l'automne. Pour mention :
- https://www.eternels-eclairs.fr/poesie-poemes-saison-automne.php
- https://www.poetica.fr/categories/automne/
On invite les lecteurs à s'y reporter pour compléter leur moisson.
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