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Citons-precis.com

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Citations, aphorismes, maximes, sentences, pensées poétiques...

Moult calembours aussi fameux que faciles du Marquis de Bièvre (1747-1789)

Publié par Daniel Confland sur 23 Mars 2024, 17:20pm

Catégories : #gens connus

 

 

 

Il en est de ces écrivains dont on pourrait dire, pour paraphraser l'inscription dédiée à Molière sur son buste de l'Académie française : "Tout manque à sa gloire, il ne manque pas à la nôtre". Enfin presque, car la renommée de notre homme, ci-devant François-Georges Maréchal, marquis de Bièvre (1747-1789) est quand même remontée jusqu'à nous grâce à ses calembours.

Il en est même dénommé "le Prince" pour la postérité, brillant de mille feux, y compris à la Cour de Louis XIV, sur un genre mondain aussi prisé chez ses contemporains qu'il fut détesté des philosophes et des "vrais" écrivains. Car les amoureux de la raison et des belles lettres ne supportaient pas les écrits et pièces de théâtre de ce calembouriste épris de jeux de mots aussi faciles que facilement mauvais. Qu'on en juge avec ses Réflexions de l'abbé Quille, les Amours de l'ange Lure, ou encore l'une de ses premières œuvres (1770) maintes fois rééditée, la Lettre à la Comtesse Tation. A ce sujet le critique et écrivain allemand Grimm présent à Paris déplore que "cette insipide et exécrable rapsodie ait fait dans le public plus de sensation qu’aucun des ouvrages publiés dans le cours de l’hiver." (°)

Mais celui que Voltaire désigne comme le "fléau de la conversation, l'éteignoir de l'esprit", (°) devient sérieux quand il s'agit de gloser sur le genre du Kalembour, avec plutôt un K selon lui. D'abord, il faut y voir "l'abus d'un mot susceptible de plusieurs interprétations.". Il se meut aussi en plaideur d'une format littéraire "où il faudroit avoir bien de la rancune pour le bannir absolument de la société, aujourd’hui que nous sommes assez éclairés pour qu’il ne puisse plus nous donner que matière à rire." (°) Celui qui use et abuse des calembours futiles pour "repousser l'ennui et rappeler la gaité" (°) revendique que beaucoup de gens adorent en fait les jeux de mots, tout en se moquant de ceux qui trouvent tel calembour "plus ou moins mauvais, à raison du temps qu’ils ont mis à le deviner, ou du nombre des personnes qui l’ont entendu avant eux" (°) Enfin, de Bièvre est conscient de la différence entre un calembour, un jeu de mot fut-il adroitement construit, et un bon mot : "Il n’en échappe qu’aux gens d’esprit, tandis que le jeu de mots est l’esprit de ceux qui n’en ont pas." (°°°°)

Diderot fit exception au mépris des philosophes à son égard puisque en 1777 il confia le soin au Marquis de rédiger l'article sur "Kalembour ou calembour" de l'Encyclopédie. Ce dernier en profita pour parsemer l'article de quelques uns de ses jeux de mots à titre d'exemple.

A la Révolution, le marquis de Bièvre émigre à raison de ses quartiers de noblesse. Et peut-être aussi par crainte de sortir à l'emporte-pièce des calembours malvenus à l'endroit de révolutionnaires dont l'humour n'était pas la qualité première ! 

 

DC

 

Quelques-unes des saillies calembouresques du Marquis de Bièvre

...quelquefois indigentes, il faut bien le dire !

(Voir les sources ci-dessus entre parenthèses)

- Un jour, le roi Louis XIV ne craignit pas de le provoquer en lui disant : "A quelle secte, monsieur le Marquis, appartiennent les puces ?". "Parbleu, s'écria celui-ci, voilà qui est bien malin ! A la secte d’Épicure." - A votre tour, sire, dit le Marquis : "De quelle secte sont les poux ?". Sa Majesté resta coite, et le Marquis triomphant ajouta : "De la secte d’Epictète." (°°)

Quelques vers de la tragédie du Marquis Vercingétorix :

Il plut à verse aux dieux de m’enlever ces biens / Hélas ! Sans eux brouillés que peuvent les humains ? / Je sus comme un cochon résister à leurs armes / Je pus comme un bouc dissiper vos alarmes / (°)

- Le Marquis dépité après une joute verbale :

Carie Vernet, peintre et également calembouriste, est un jour à souper avec le Marquis chez le Comte de Lauragais.

"Messieurs, dit celui-ci en s’adressant à ses convives, il y a quarante-huit heures que je n’ai mangé, et je me mets à table avec une faim canine".- "Vous voulez dire une faim de comte, reprit à l’instant M. de Bièvre."- "Allons donc, riposta Vernet, puisqu’il y a quarante-huit heures que Monsieur n’a rien pris, c’est une faim (fin) de non-recevoir."

Tout le monde applaudit, excepté M. de Bièvre, bien entendu.  (°°)

- Apprenant que le comédien Molé, connu par sa fatuité, était malade et alité, Monsieur de Bièvre se serait exclamé : "Quelle fatalité (fat alité) !" (°°°)

- Exemple de calembour donné par le Marquis lui-même dans son article  de l'Encyclopédie :

"(L'invité): "Je croyais que c'était monsieur le Duc de...qui vous avait donné ce thé (que vous me servez), pourquoi ? Parce qu'on dit dans le monde qu'il a beaucoup de bonté (bon thé) pour vous."

- Le Marquis aurait fait spécialement aménager dans le parc de son château un bosquet peuple d'ifs où il aimait à amener en promenade les dames qu'il souhaitait séduire.

A chaque occasion, le Marquis pouvait ainsi s'exclamer : "Madame, voici l'endroit des six ifs (décisif)." (°)

Apprenant qu'un ami désespéré par un amour déçu s'était jeté dans un puits, le Marquis aurait déclaré à son interlocuteur en guise d'éloge funèbre : " Dans un puits? Mais c'est là se conduire comme un fou ! Dites plutôt comme un sot (seau)." (°°°°°)

Dernier calembour en mourant à Spa, où le Marquis était allé prendre les eaux :

"Je m'en vais de ce pas !" (°°°°°)

Et pour conclure :

De Marquis de Bièvre “- Je bois au beau sexe des deux hémisphères. - Et moi, je bois aux deux hémisphères du beau sexe !” (Marquis de Bièvre)

 

°°°

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