- Dorer la pilule (à quelqu'un), c'est enjoliver un propos, la relation d'un évènement, la promesse d'un sort meilleur, dans le but d'obtenir quelque chose, de dissimuler un tour qu'on aurait fait, de se parer d'une vertu qu'on n'a pas, etc. Il y a derrière une certaine forme de flatterie, voire de duperie.
- Mais à l'opposé de ce côté malintentionné, dorer la pilule peut aussi correspondre, de la part de celui ou celle qui s'y exerce, à la meilleure intention du monde consistant à consoler quelqu'un de sa conduite, en lui présentant les faits sous le meilleur jour possible, quitte à jouer un peu avec vérité.
- Dans les deux cas, on "enrobe" la réalité pour la rendre plus belle ou présentable. Et l'enrobage, c'est précisément de quoi il s'agit lorqu'on cherche l'origine de l'expression. En effet, au XVIIème siècle, les apothicaires - nos pharmaciens d'aujourd'hui - (cf. le lien de l'article de ce blog) pratiquaient l'enrobage des médicaments avec une mince pellicule d'or, voire d'argent ou de sucre. Cela était supposé donner meilleur aspect, sinon meilleur goût en facilitant l'ingestion. D'ailleurs, l'enrobage existe toujours dans l'industrie pharmaceutique, est même devenue une activité à part entière qui définit officiellement ainsi le travail fait sur le comprimé :
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comportant à sa surface une couverture destinée à en améliorer la présentation, à en différer la dissolution, à protéger les principes actifs qu'il contient contre les altérations ou à en faciliter la prise. (°)
- De nos jours, on a aussi coutume de "SE dorer la pilule", ce qui s'entend au soleil, généralement. En s'adonnant au farniente bronzant en période de vacances, est-ce qu'on ne cherche pas à "flatter" son apparence, la pilule équivament au derme ? L'expression "se dorer la couenne" signifie la même chose.
- On le sait, telle expression évolue avec le temps, jusqu'à changer complètement de sens, éventuellement. Ici, le sens premier a été plutôt élargi à d'autres usages, en passant de l'objet, la pilule, aux gens que l'on "dore" en les flattant. En empruntant la forme pronominale, l'expression a même donné naissance à une nouvelle branche qui nous appelle aux loisirs ensoleillés. La langue, la nôtre a des ressources innombrables !
- DC
- (°) https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/26527166/comprime-enrobe#
- Parmi les sources (certaines situent la naissance de l'expression au Moyen-Age, d'autres au XVIIème siècle, mais ce n'est pas primordial car elles s'accordent sur l'origine).
- - https://www.lalanguefrancaise.com/expressions/se-dorer-la-pilule
- - https://fr.wiktionary.org/wiki/dorer_la_pilule
- - https://www.tf1info.fr/traditions-et-patrimoine/video-langue-francaise-meilleures-expressions-explications-pourquoi-dit-on-se-dorer-la-pilule-2258373.html (avec une courte vidéo explicative)
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Deux citations en exemple sur "dorer la pilule"
Quelque chose qu’on ne connaît même pas vous attrape par les oreilles comme un lapin dans un clapier, vous flanque un bon coup sur la nuque et vous êtes cuit. Il n’y a pas moyen de se dorer la pilule.
Sosie, se moquant de Jupiter qui flatte outrageusement Amphitryon : "Le seigneur Jupiter sait dorer la pilule."
Dorer la pilule ou sucrer le breuvage : Molière emprunte à deux auteurs pour sa comédie Amphitryon. L'un est le célèbre auteur de l'Antiquité Plaute, l'autre un presque contemporain de Molière, le dramaturge Jean de Rotrou, méconnu aujourd'hui. Dans "Les deux Sosies" publié en 1636, dont la qualité souffre il est vrai de sa concurrente molièresque a posteriori, Rotrou, pour évoquer l'attitude de Jupiter emploie l'expression "sucrer le breuvage", que Molière remplacera donc par "dorer la pilule". Il est amusant de voir que "l'enrobage" flatteur demeure souvent une affaire de...sucre.
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