L'imprévoyance : introduction au thème (première partie)

Publié par Daniel Confland sur 13 Avril 2024, 10:42am

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Imprévoyance : insouciance, laisser-aller, légèreté, négligence, dit le Larousse. Un défaut gênant, voire pire, donc. La sagesse, qui ne nous est pas commune il est vrai, la prudence aussi, nous enseignent qu'il convient pourtant d'être prévoyant. "On ne sait pas de quoi demain sera fait", n'est-il pas vrai !

Mais est-ce possible d'être prévoyant en tout, tout le temps ? Non, bien sûr, car la prévoyance ne dépend pas que de nous. Tel grand groupe florissant, qui dégraisse dans une filiale pourtant viable pour embellir son bilan peut-il y garantir mon emploi ? Quand je marche dans la rue, une tuile détachée d'un toit par le vent et qui vient frapper le sommet de mon crâne est-il prévisible ? Et comment se montrer prévoyant face à la multiplication des inondations, des feux de forêt, des tempêtes et autres ouragans plus lointains que le ciel et la nature en colère nous renvoient pour nous punir de nos péchés climatiques ? La prévoyance en tout supposerait que l'avenir est prévisible : tâche surhumaine s'il en est. De surcroît, s'assurer en tout, contre tout dommage, dépasserait de loin les moyens pécuniaires de tout un chacun.

La prévoyance collective connaît-t-elle un meilleur sort ? Au plan international, elle s'appelle ONU, alors que cette institution n'anticipe aucun conflit et est frappée de paralysie. D'un côté, l'Otan, naguère réputée en "mort cérébrale", démontre actuellement sa nécessité face à l'agression russe en Ukraine, mais d'un autre côté, le parapluie américain, qui paraissait intangible n'est plus aussi évident. Il y a de l'imprévu dans le prévu, vous dis-je !

La prévoyance n'est donc pas un bouclier imparable contre les aléas. Et est-elle d'ailleurs si souhaitable partout et tout le temps. Quelqu'un qui mettrait de la rigueur en tout, dont on saurait à coup sûr où sa conduite le mène, ne deviendrait-il pas vulnérable aux autres à force d'être attendu dans chacun de ses actes ? Le prévoyant invétéré qui déteste par définition l'improvisation est-il si heureux dans la vie : un déjeuner improvisé entre amis n'a-t-il pas une saveur particulière, une ballade sans but en famille, un cadeau acheté en dehors des dates de fêtes et d'anniversaire ne confortent-ils pas la chaleur des liens sociaux ? Il est en outre des domaines où l'improvisation - au sens de "l'imprévoyance" fondatrice de la pensée créatrice- est indispensable. En peinture, la prévoyance - de la manière, des couleurs, de la perspective, de la tradition en somme - s'appelle l'académisme. De même en musique, où l'art passe on temps à faire et défaire les Ecoles pour toujours inventer. Et, pour les fans, que dire du jazz et de ses impros échevelées !

Daniel Confland

NB : le dictionnaire dit que l'insouciance et l'imprévoyance sont parents sémantiquement. Donc, Raymond Radiguet se trompe quand il affirme que : "l'insouciance ne s'improvise pas." Car l'imprévoyance, on l'a vu, fait bon ménage avec l'improvisation.

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