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Citons-precis.com

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Citations, aphorismes, maximes, sentences, pensées poétiques...

Le dernier métro où l'on cause, dialogue de comédie en un acte (troisième partie))

Publié par Daniel Confland sur 13 Décembre 2023, 15:42pm

Catégories : #textes

 

LE DERNIER METRO OU L’ON CAUSE….
Dialogue de comédie en un Acte

Daniel Confland,  2012, 36 pages

Argument : Une rame de métro à l’arrêt dans un tunnel. La panne est patente, mais les voyageurs, dans les compartiments, n’en connaissent ni la cause ni la durée et n’ont reçu aucune information. Enervés, stressés, et inconscients du danger encouru, ils finissent par descendre sur les voies pour tenter de rallier la station la plus proche. A l’exception de deux voyageurs plus prudents, qui restent seuls dans leur voiture…Pour passer le temps, ils décident d’engager la conversation, à bâtons rompus. Ce dialogue, qui conduit à un début de complicité, durera autant que la panne. A moins qu’il ne perdure, une fois la panne terminée…

°°°

Note au lecteur : ce texte est parsemé d'aphorismes (et de quelques autres emprunts) prélevés dans mon roman "L'Ecole de Léningrad", édité en 2012, pour les plus anciens, et d'autres provenant de mon recueil d'aphorismes personnels, édité en 2014 sous le titre "350 aphorismes, apophtegmes, maximes, sentences et autres considérations." Le tout mis en situation...

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Voir d'abord les deux premières parties :

https://www.citons-precis.com/2023/12/le-dernier-metro-ou-l-on-cause-dialogue-de-comedie-en-un-acte-premiere-partie.html

https://www.citons-precis.com/2023/12/le-dernier-metro-ou-l-on-cause-dialogue-de-comedie-en-un-acte-deuxieme-partie.html

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Troisième partie (pages 24 à 36)

(-Le conducteur : qu'est-ce que c'est que cette histoire de chinois ?)

 

- Olivier : Désolé. On ne peut pas entrer comme cela dans notre conversation !

- Le conducteur (penaud) : Pardon, je ne voulais pas être indiscret…

- Marcel : Il n’y a pas de mal, mais au lieu de surprendre notre conversation, surprenez-nous plutôt en ramenant au plus vite ce train au bercail !

- Le conducteur (la main sur le cœur et ôtant sa casquette) : Messieurs, je vais faire de mon mieux pour vous satisfaire ! (il redescend sur la voie)

- Olivier : Bon ! De quoi parlions-nous avant cette interruption ? Ah, oui, vous tentiez de me convertir !

- Marcel : Peine perdue : vous serez toujours un mécréant, malheureusement…

- Olivier : Alors, parlons d’autre chose…Vous êtes intéressé  par la politique ? On peut en discuter si vous voulez. D’ailleurs, c’est un sujet inépuisable…

- Marcel : Si vous êtes partisan, sûrement pas, on viendrait à s’engueuler. Si, comme moi, vous êtes sceptique,  pourquoi pas !

- Olivier : Je vous le dis tout net, mes opinions politiques sont comme le sexe des anges, indéterminées : plutôt à gauche pour la justice sociale, plutôt à droite contre le matraquage des classes moyennes et au centre, comme on est au centre, c'est-à-dire au gré des circonstances…

- Marcel : De mon côté, j’avoue que je ne suis pas fan : en politique comme dans les affaires on fait faire bien des courbes à la droiture pour tracer sa route !

- Olivier : Le problème, avec les politicards, c’est qu’on connaît trop bien leurs tours : à trop pratiquer le chanteur, on sait tout du répertoire ! Et puis, ces gesticulations, ces joutes oratoires, les noms d’oiseaux dont ils s’abreuvent à l’Assemblée avant de s’embrasser toutes étiquettes confondues à la buvette, quel cinéma ! C’est d’un factice et d’un vulgaire…

- Marcel : C’est vrai qu’à l’Assemblée, les élus décorés sont plus nombreux que les élus distingués ! (ils rient)

- Olivier : Sans parler des manigances, des croche-pattes, des embrouilles pour piéger l’adversaire. Ah, en politique, la porte du fair-play n’est vraiment ouverte que par ceux qui la quittent !

- Marcel : A condition d’excepter les battus revanchards ! Pour eux le fair-play est un mot trop anglais pour ne pas être employé comme une insulte !

- Olivier : Vous oubliez les promesses non tenues, aussi nombreuses que les convictions reniées !

- Marcel : vous prêchez un convaincu sur ce terrain : en amour, c’est l’habitude qui tue le sentiment, en politique c’est le manque de crédibilité !

- Olivier : Sans parler de leur sensibilité à l’influence délétère des lobbies de toutes sortes. Savez-vous que le député de ma circonscription, que j’ai rencontré pour une vague affaire de transports de déchets empoisonnant l’atmosphère à proximité de mon domicile, m’a avoué sans ambages : «  Les lobbies sont partout, la preuve j’en ai constitué un pour les dénoncer ! »

- Marcel : Dans le tableau, je n’aurai garde d’oublier les politiciens prévaricateurs. En pensant à eux, j’emploie souvent la métaphore du cerf-volant, un loisir, que dis-je, un art, que je pratique assidument depuis l’enfance partout où il y a du vent

- Olivier : Filez, mon cher, métaphorisez comme il vous plaît !

- Marcel : Je me lance, alors : un cerf-volant est semblable à l’homme politique malhonnête, il est gonflé de vent, se pare de belles couleurs pour séduire, et lorsqu’il vole il est en général manipulé par quelqu’un qui tire les ficelles !
- Marcel : Pas mal !

- Olivier : Merci ! (il salue)

- Marcel : Décidément, on peut dire que la politique vous inspire…

- Olivier : Je ne puis le nier : qui connaît ses saints ne les honore qu’à l’aune de leur mérite !

(Ils s’arrêtent de parler pendant un instant, en se grattant chacun la tête)

- Marcel : Bon ! On en fait peut-être un peu trop, là, avec les politiciens. Dix minutes qu’on leur casse du sucre sur le dos. Après tout, bien des politiciens oeuvrent avec conviction pour le bien de la chose publique. Tous ne sont pas des opportunistes carriéristes et beaucoup ont été des militants sincères avant d’entrer en politique

- Olivier : Vous avez raison, Marcel, il ne faut rien exagérer et vous avez mis le doigt sur une différence fondamentale : les militants sincères sont politisés avant d’entrer en politique, les opportunistes font de la politique avant de s’encarter !

- Marcel : On en connaît même qui ont du talent !

- Olivier : C’est vrai ! Il est des ministres qui marquent leur époque et d’autres que l’époque ne remarque pas : assurément, il ne faut se souvenir que des premiers !

- Marcel : En somme, la robe de Marianne n’est pas toujours d’un blanc immaculé, mais la belle reste le meilleur parti et les démocrates sont bien avisés de courtiser sa Chambre !

- Marcel : C’est dit, les hommes sont les hommes et les politiciens des citoyens comme nous, avec leurs qualités et leurs défauts

- Olivier : Vous vous connaissez des défauts à titre personnel ?

- Marcel : Mon oncle dit toujours : «  Je ne me reconnais aucun défaut, sauf le défaut de paiement ! Et il ajoute : « Je persifle et je signe ! »

- Olivier : Votre oncle est un vieux gamin !

- Marcel : Cela fait partie de son charme…Alors, ces défauts ?

- Olivier : Un manque de confiance en moi a gâché mes projets pendant une partie de ma vie. Tout jeune, j’étais gauche, empoté, je ne savais pas quelle attitude adopter devant une situation même banale. En me raillant, mon père me disait : « Si tu veux une contenance, prends donc un verre de vin ! »

- Marcel : Le conseil vous a servi ?

- Olivier : Pas à arrêter de boire en tout cas !

- Marcel : Moi, ma femme me reproche d’être trop bon vivant, justement. Je sais, c’est véniel, mais en disant cela elle se préoccupe de ma santé

- Olivier : Votre femme a raison : quels que soient ses excès le mort-vivant ne meurt jamais, alors que le bon vivant, si !

- Olivier : Et vous, Marcel, quel est votre principal défaut ?

- Marcel : Je suis impatient à l’extrême. Une seconde est à peine passée que je suis déjà dans la suivante !

- Olivier : C’est le mal de l’époque : le temps c’est de l’urgent !

- Marcel : Avec le mal de dos…Les dorsales, c’est mon épine ! Je vous confesse aussi que l’on me dit orgueilleux

- Olivier : En quelle occasion ?

- Marcel : Après que j’ai lavé les carreaux, je refuse tout pourboire, je veux seulement être payé. J’ai sûrement tort, mais je considère cela comme une aumône, un affront à ma dignité

- Olivier : En somme, chez vos clients, vous lavez autant les affronts que les carreaux ! (ils rient)

- Marcel : Le grammairien que je suis ne confond pas orgueil et vanité. L’orgueil est parfois mal placé, mais la vanité tire toujours le vaniteux vers le bas ! D’ailleurs, quand on dit de quelqu’un qu’il ne manque pas d’air, n’est-ce pas pour signifier qu’il est gonflé d’importance ?

- Olivier : Au moins, je ne souffre pas de ce défaut-là. Mais je refuse en revanche l’humilité. Mon psy n’arrête pas de me dire : « Ne soyez pas humble avec vous-même, laissez aux autres le soin de l’être pour vous ! »

- Marcel : Vous donner confiance en vous est sa priorité, c’est louable et professionnel de sa part

- Olivier : Et justifier ses honoraires, qui sont tout sauf humbles !

- Marcel : En tous cas, je ne saurais vous contredire. D’ailleurs, on peut être content de soi tout en restant humble. Si on a fait quelque chose de bien, dont on a tout lieu d’être satisfait, qui ne cause de tort à personne, et qui vous rend optimiste, pourquoi ne pas s’en féliciter ouvertement. J’ai d’ailleurs commis sur le sujet quelques vers modestes. Voulez-vous les entendre ?

- Olivier : Je suis toute ouïe

- Marcel :

Contentement de soi est un plaisir extrême
Un doux nectar, un suc, une saveur suprême
Avant de plaire aux autres, tentons de nous complaire
D’éviter le mal-être à qui s’est tant déplu
Qu’il se flagelle en tout et s’abaisse tant et plus
Un acte réussi, une affaire emmanchée
Dans le sens que l’on veut, on peut s’en glorifier
Fi d’un péché véniel ! Hors des confessionnaux !
Il faut laisser la chose aux mains des seuls dévots
Si en parlant orgueil on entend opinion
Que sa fierté l’emporte quelle que soit l’occasion
Il n’est pas de rapport en lien avec ce thème
Où l’on peut être humble et content de soi-même
Car se hausser du col à la face du Monde
Faire voir son ego à cent lieues à la ronde
N’est pas la tasse de thé du Contenté de soi
Mais la quête inlassable du forcené du Moi
Le vaniteux, le fat, se jugent supérieurs
En tout, sur tout, étalent leur valeur
Et la perchent si haut qu’aucun barreau d’échelle
N’y atteint le sommet même pour qui y excelle
A cent lieues, mon ami, de ces façons de paon
Contentement de soi ne publie aucun ban
Contentement de soi est attribut modeste
Point n’est besoin pour ça d’en faire un manifeste
Aux pauvres comme aux nantis, aux plus fins intellects
Comme aux moins bien pourvus en neurones selects
A toutes conditions il se donne en partage
Et peut se consommer en somme à tous les âges.

 

- Olivier : Grammairien et poète ! Bravo ! Quand avez-vous pris conscience de ce talent ?

- Marcel : Quand j’étais nageur de combat, aussi curieux que cela puisse paraître. En nageant vers la cible, je trompais mon impatience en récitant des vers. Finalement, il m’a semblé plus amusant de les composer moi-même. Dans le monde du silence, il faut bien s’occuper !

- Olivier : Le silence n’est audible que lorsqu’il est éloquent, Marcel, et c’est votre cas !

- Marcel : Vous êtes trop aimable, Olivier

- Olivier : Mais non, je vous assure, vos vers de nageur de combat, on dirait du Verlaine ou du…Rambo !

- (Marcel et Olivier en chœur) : Warrior ! (Ils rient)

- Marcel : Et vous, Olivier, il ne vous est jamais arrivé de trousser quelques rimes ?

- Olivier : Hélas, non ! Dès le lycée, ma Muse m’a vivement déconseillé de poéter au-dessus de mon luth ! Mais assez parlé de nos défauts, Marcel, ne trouvez-vous pas ? Ne sont-ce pas les défauts des autres qui nous gâchent la vie, en réalité ? Pour ma part, j’absous beaucoup de choses, sauf l’hypocrisie. L’hypocrisie est comme un masque vénitien : quelle que soit la beauté qu’il affiche à l’extérieur, il n’occulte pas la laideur qui se cache derrière !

- Marcel : En plein dans le mille ! J’exècre aussi les hypocrites. Hypocrisie et duplicité vont le plus souvent de pair. Figurez-vous que j’ai côtoyé dans l’armée un agent double. Eh bien, le mystère de sa duplicité n’a jamais été percé car la perfidie dont il usait avec maestria tenait en trois composantes : le machiavélisme comme art de la manipulation ; la duperie comme science du mensonge, et la ruse comme stratégie de contournement.

- Olivier : Cela fait beaucoup pour un seul homme !

- Marcel : N’oubliez pas qu’il était double !

- Olivier : C’est comme la flatterie, je déteste. Il faut se méfier des marques d’estime trop appuyées…

- Marcel : Mon père disait toujours : « les marques d’estime sont comme les promesses : elles n’engagent que ceux qui en font cas ! »

- Marcel : Une nouvelle fois votre père parlait d’or. Mais tout autant que ceux qui vous encensent, il faut aussi se défier des calomniateurs

- Olivier : Ah, ceux-là, je les ai également en horreur : l’air de la calomnie n’a qu’une note, mais c’est souvent celui qui la subit injustement qui la paye ! (il consulte sa montre) Et si nous changions de sujet : comment occupez-vous vos loisirs, mon cher Marcel ? Je suppose que vous y sacrifiez. Le temps libre est désormais une part importante de notre vie. En tant qu’ancien nageur de combat je présuppose que vous vous maintenez en forme, que vous pratiquez encore un sport sinon plusieurs ?

- Marcel : Vous présupposez ?
- Olivier : Ben, oui !
- Marcel : Apprenez, mon cher Olivier, que je professe une théorie : tout présupposé a pour contrepartie d’avoir un pré-requis…à condition que ce soit le même !
- Olivier : CQFD !
- Marcel : N’est-ce pas ! Pour répondre à votre question, je crois faire suffisamment de sport en arpentant toute l’année la rue de Vaugirard plus quelques alentours !
- Olivier : Excusez-moi, j’oubliais que les arpenteurs ont aussi leurs chaînes ! Vous devriez vous mettre au golf, Marcel, moi, je suis un mordu ! 
- Marcel : J’ai tâté du golf miniature en famille : le trou d’arrivée est beaucoup plus près du trou de départ : cela facilite la performance ! 
- Olivier : Il est vrai que le golf, le vrai, est un sport des plus exigeants. Chacun de mes parcours sur le Green est une leçon d’humilité

- Marcel : Eh bien, quand vous êtes trop fatigué par le golf, vous n’avez qu’à faire comme moi : je fais du sport à la télé, avachi sur mon canapé. En particulier, je m’éclate en regardant l’arrivée des étapes du Tour de France. Vous voyez le genre : lorsque le peloton se rapproche de la ligne d’arrivée, la pression monte, la foule s’agite…(il élève la voix progressivement et son débit s’accélère)

- Olivier (il monte pareillement le ton) : Les passions vélocipédistes s’exacerbent…

- Marcel : La tension est à son comble à l’annonce d’un sprint massif

- Olivier : Le speaker s’égosille tant et plus…

- Marcel : Des clameurs montent d’une foule au bord de l’extase…

- Olivier (qui soigne sa diction) : n’est-ce pas ce qu’on appelle les signes avant-COUREURS…?

- Marcel (faussement désapprobateur) : Voyons, Olivier !

- Olivier (faussement confus) : Pardonnez au profane…

- Marcel (bougon) : J’y consens parce que c’est vous

- Olivier : Dans un autre registre, il m’arrive d’aller voir courir à Longchamp ou à Vincennes. J’apprécie ce sport élégant et chatoyant

- Marcel : Ce n’est pas du sport, c’est le cheval qui court !

- Olivier : On voit bien que vous n’avez jamais monté

- Marcel : Non, et vous ?

- Olivier : Un seul essai, suivi d’une transformation, comme au rugby : soit une épaule en miettes qui m’a laissé des séquelles (il s’amuse à monter bizarrement une épaule et à descendre l’autre)

- Marcel : Je comprends que vous préfériez désormais suivre les chevaux à la jumelle plutôt que vous asseoir dessus !

- Olivier : Tout juste ! Cette conversation me remet une histoire en mémoire…

- Marcel : Encore une ?

- Olivier : La dernière, promis ! Deux quidams se rencontrent. Le premier déclare : «  J’ai mis ma plus belle mise pour aller voir ma belle. « Et comment s’appelle cette dulcinée ? »,  s’enquiert le second quidam. « Rêve de pavot, dans la cinquième », conclut le premier quidam !

- Marcel (grinçant) : Très amusant ! Vous êtes turfiste ?

- Olivier : Je ne joue jamais 

- Marcel : Vous n’aimeriez pas que vos chevaux vous mettent sur la paille !

- Olivier : Exactement ! Changeons encore de sujet, voulez-vous ? 

- Marcel : vous êtes insatiable…

- Olivier : C’est qu’il nous reste peu de temps devant nous à présent : je veux profiter au maximum de notre échange !

- Marcel : Je confesse que j’en redoute le terme autant que je l’espère !

- Olivier : Je prends cela comme une gentillesse de votre part

- Marcel : C’en est une ! Mais s’il nous reste peu de temps, autant ne pas le perdre : allez au fait !

- Olivier : Jouez-vous d’un instrument de musique, Marcel ?

- Marcel : Je gratte le violon que m’a légué une grand-tante. Mais les sons qui en sortent ressemblent aux gémissements qu’infligent des amoureux en rut au vieux sommier ! Pourtant, je m’accroche, je fais des gammes, interminablement, j’espère des progrès qui ne viennent pas !

- Olivier : L’orpailleur qui cherche des paillettes dans le lit du cours d’eau doit tamiser beaucoup avant de se remplir les poches !
- Marcel : Vous paraphrasez Boileau, mon cher, lorsqu’il dit : « Cent fois sur le métier il te faut remettre ton ouvrage »
- Olivier : Des deux, je préfère être celui qui touche les droits d’auteur ! J’ai pour ce qui me concerne tâté d’un peu de piano. J’aimais jouer du Mozart, en amateur
- Marcel : J’espère que vous ne l’avez pas trop massacré ! Mon frère disait toujours : « En toutes choses, de la mesure il faut savoir garder…surtout si c’est du Mozart ! »
- Olivier : J’avais cru comprendre que vous n’aviez ni frère ni sœur ?
- Marcel : Je parlais d’un frère d’armes…
- Olivier : Ah…Si vous n’êtes pas plus doué que moi pour jouer d’un instrument, je suppose qu’au moins vous écoutez assidument de la musique ? 
- Marcel : J’avoue adorer Bach, Beethoven, et bien sûr Mozart. En revanche, je ne suis pas fan d’opéra
- Olivier : Tout comme moi : je déteste l’opéra en général et le prix des places en particulier !
- Marcel : Cette gestuelle outrancière, avec des jumelles de théâtre c’est atroce. Sans parler de ces vocalises interminables qu’on n’entend que dans les cours de ferme…A vos musiciens préférés, qui sont aussi les miens, j’ajouterais cependant une pincée de Vivaldi, et un zeste de Schumann
- Olivier : Tant mieux : ce sont mes seconds choix ! Et le théâtre, en êtes-vous amateur ?
- Marcel : Amoureux des grands auteurs, surtout… : Beckett, Genet, Montherlant, et avant tout Skakespeare et Molière
- Olivier : Il suffit de citer Louis Jouvet pour vous approuver quand il affirme : « Un chef d’œuvre est une pièce dont on ne pourra jamais rendre la monnaie »
- Marcel (pontifiant) : Vous savez, je tiens à faire la distinction suivante : le génie est une fulgurance originelle dans laquelle s’accomplit une œuvre, là où le talent n’est qu’une manière originale
- Olivier : Bah…avouez que ce n’est déjà pas si mal !
- Marcel : Ah, enfin, ça y est ! La motrice de secours nous tracte. Regardez, nous roulons…
- Le conducteur : Mesdames, Messieurs, j’ai le plaisir de vous annoncer que la motrice de secours est arrivée et nous tracte vers la prochaine station. Dans quelques minutes vous serez délivrés !
- Olivier : Toujours un métro de retard, celui-là !
- Marcel (se penchant légèrement à l’extérieur). Encore un peu et on verra le bout du tunnel !
- Olivier : C’est le cas de le dire. Les meilleures pannes ont une fin, Marcel. Je suis triste de devoir vous quitter. En seulement deux heures et quelque, j’ai l’impression de vous connaître depuis toujours : un ami de longue date et qui serait fidèle et toujours là pour moi !
- Marcel : Je ressens exactement la même chose, Olivier. Echangeons nos cartes, voulez-vous (Ils s’exécutent). Et je propose qu’on se tutoie, désormais
- Olivier : Tu m’ôtes cette proposition de la bouche, cher Marcel
- Marcel : Tiens, viens donc dimanche prendre l’apéro avec ta femme, comme cela, elle fera connaissance avec la mienne
- Olivier : Non, c’est vous qui venez avec ton épouse : tu laveras d’abord nos carreaux et ensuite nous déjeunerons…
- Marcel (souriant) : Tu ne perds jamais le nord, hein ? Entendu, si ma femme est d’accord, nous viendrons. Puisque nous sommes amis, l’idéal serait que nos épouses deviennent amies à leur tour…
- Olivier : Nous avons démontré qu’il n’y rien de tel qu’une bonne panne de métro pour nouer une amitié solide
- Marcel : matériel défaillant, panne d’alimentation électrique, suicide, colis suspect, ce ne sont pas les occasions qui manquent
- Olivier : Il suffira de les mettre en tête de ligne, n’importe laquelle fera l’affaire : ce serait bien le diable qu’elles ne soient pas confrontées à un incident majeur,  quitte  à ce qu’elles fassent deux ou trois aller-retour d’un bout à l’autre
- Marcel : Dimanche on leur proposera ça. A partir d’aujourd’hui, je propose un slogan au client de la RATP : « Si tu connais des pannes répétées, pas la peine de prendre du viagra, prends plutôt ta voiture ! » (Ils se font une accolade et sortent sur le quai).

Fin

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