D'une façon ou d'une autre, toutes les expressions françaises puisent dans l'histoire, qu'il s'agisse de la vie économique, des structures, des codes et des usages sociaux, voire des relations internationales alors en vigueur. La langue évoluant, les modes de vie aussi, leur sens, souvent, s'est aussi modifié avec le temps. C'est cette évolution qui fait le charme du "décryptage" de chaque expression, dont la formulation imagée ne laisse pas de nous étonner. Le Lecteur pourra s'exercer en se référant aux liens vers citons-precis.com concernant l'explication de trois expressions : fier comme un pou, noyer le poisson et mener une vie de patachon (confer les liens ci-desous).
Mais il est des expressions qui ont un lien direct avec les évènements que l'Histoire, ou la mythologie racontée par les historiens, nous ont laissés. C'est l'objet de la première partie de cet article, consacré à trois locutions particulièrement imagées : Le piège de Thucydide, Le syndrome de Diogène et Une victoire à la Pyrrhus.
DC
https://www.citons-precis.com/2022/06/d-ou-vient-la-curieuse-expression-fier-comme-un-pou.html
https://www.citons-precis.com/2019/10/expressions-et-citations-liste-supplementaire.html
https://www.citons-precis.com/2022/07/d-ou-vient-l-expression-mener-une-vie-de-patachon.html
Le coup de Jarnac
Aujourd'hui, le "coup de Jarnac" est vu comme un coup en traître, une ruse malveillante. Rien de péjoratif dans l'évènement qui présida au vrai "coup", en fait un duel "à la loyale" qui opposa en 1547, au début du règne de Henri II , Guy Chabot de Saint-Gelais, baron de Jarnac, à François de Vivonne, seigneur de La Chataîgnerie.
En fait, l'affaire remonte au règne du père du Roi Henri, François Ier. Le Baron de Jarnac était le beau-frère de la maîtresse du roi, Madame de Pisseleu, duchesse d' Etampes, dont la rivalité avec Anne de Poitiers, favorite du Dauphin Henri apparaissait aux yeux de tous. Alors qu'on complimentait Chabot de l'opulence de ses vêtements, qu'il attribuait à la générosité de sa belle-mère, devant Anne de Poitiers et le Dauphin, celui-ci fit courir le bruit que cette richesse était due non point à la générosité mais à des faveurs moins avouables.
Chabot demanda réparation, mais François Ier ne pouvait consentir à un combat avec le Dauphin. Il refusa de même un duel entre le Baron et La Chataîgnerie, ami du Dauphin, qui fit semblant d'être l'auteur de la rumeur. Pour François, tout ceci n'était qu'une affaire "de femmes jalouses".
Henri II devenu roi, finit par accéder à la requête de Chabot de Jarnac et à accepter le duel, qui se tint le 10 juillet 1547 devant le château de Saint-Germain en Laye. Dans le temps des préparatifs, Le Baron prit des cours d'escrime avec un italien, car La Chataîgnerie avec la réputation d'être un maître dans la discipline. C'est à cet italien qu'on devrait la paternité du "coup de Jarnac", Chabot n'ayant été que le premier exécuteur magistral de la parade. Le roi et sa Cour étaient présents lors de la rencontre.
Après quelques échanges, La Chataîgnerie porta un assaut, jambe droite en avant, ce que Chabot para en portant en retour un coup qui blessa grièvement le jarret de son adversaire. Comme désarmé il était à la merci du Baron, Henri II fit cesser le combat, Et la Chataîgnerie mourut peu après, des suites de sa blessure et peut-être de la honte d'avoir été battu devant le roi. Profondément ému par la mort de son ami, le roi décréta l'abolition des duels publics autorisés.
Source :
/image%2F1330483%2F20250510%2Fob_5fdc13_dictionnaire-decembre-alonnier-ii-120.jpg)
Image de couverture : Guy Chabot de Jarnac par Léonard Limousin, Collection Frick, New York, Wikipédia CC.
Fier comme Artaban
L'Artaban de cet article n'a rien à voir avec celui de la Bible. Une tradition apocryphe mais largement répandue veut en effet qu'un quatrième Roi Mage ait existé, Artaban. Cet Artaban là habitait en Perse, étajt astronome et richissime, et aurait vu la Comète annonçant la venue d'un Roi en Judée. Notre homme se serait mis en chemin pour assister à l'évènement. Mais à chaque étape de son voyage, il aurait dépensé son argent à aider les nécessiteux. Son voyage dura si longtemps, sa charité l'empêchant d'aller plus vite, qu'il ne rencontra jamais les autres Rois Mages. Enfin, il arriva en Terre Sainte, mais ce fut pour assister à la crucifixion de Jésus. L'enseignement de cette histoire est que la charité, la compassion envers les autres est un acte d'amour envers le Christ qui nourrit la foi. (1)
D'où vient alors l'Artaban de notre expression "fier comme Artaban". Eh bien, son origine est beaucoup plus prosaïque et remonte au XVIIème siècle. C'est l'un des personnages qui ressort d'une somme de 12 volumes écrits de 1646 à 1657 sous le titre générique de Cléopâtre. L'auteur, aujourd'hui peu ou prou tombé aux oubliettes de la littérature, est un militaire gascon qui s'adonna d'abord à l'écriture de pièces de théâtre puis, à partir de 1642 à celle de romans épiques où se mêlent l'amour et les intrigues politiques. Le nom de cet auteur : Gautier de Costes de La Calprenède. Son œuvre se diffusa d'autant mieux dans la bonne société qu'il fit partie de l'entourage royal.
En dépit de leurs outrances, surabondances de faits et anachronismes, ces romans connurent à cette époque un énorme succès ; au point que Madame de Sévigné, sans être dupe de la qualité littéraire de l'œuvre, écrivit à sa fille à son propos : "La beauté des sentiments, la violence des passions, la grandeur des événements et le succès miraculeux des redoutables épées des héros, tout cela m’entraîne comme une petite fille."
L'Artaban de La Calprenède est un héros fier, prétentieux jusqu'à l'arrogance. Les contemporains en firent un archétype inscrit dans la formule pour les siècles à venir : "Fier comme Artaban" ! (2) et (3)
Sources :
(1) https://www.palaisdurosaire.com/fr/blog/les-rois-mages-dans-la-bible-le-mystere-enfin-leve-
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Gautier_de_Costes_de_La_Calprenède
Le coup de Trafalgar
Le "coup" est celui porté à la flotte franco-espagnole du vice-amiral Villeneuve, détruite aux deux-tiers par l'escadre de l'amiral Nelson, le 21 octobre 1805 au large du cap de Trafalgar en Espagne, du côté de l'océan Atlantique. Le "coup" est aussi celui - définitif - porté aux ambitions de Napoléon, qui avait déjà renoncé à envahir l'Angleterre, d'obtenir la suprématie maritime sur sa rivale lui permettant d'imposer par la suite un blocus continental efficace.
S'appliquant à toute situation, le "coup de Trafalgar" est ainsi resté dans les mémoires comme synonyme d'un fait ayant entraîné des conséquences particulièrement néfastes
/image%2F1330483%2F20250511%2Fob_59032a_trafalgar-auguste-mayer.jpg)
La bataille navale
Si les navires français et espagnols sont plus nombreux que leurs adversaires, leurs équipages sont beaucoup moins aguerris et de moindre qualité. L'escadre de Villeneuve a aussi mené de nombreuses patrouilles préalables dans l'Atlantique, des Antilles en Bretagne, vers le Golfe de Gascogne puis en Espagne. Elle s'en est trouvée affaiblie et certains bateaux ont souffert de ces campagnes, et les hommes aussi. Quant à Napoléon, il reproche à son commandant de flotte d'esquiver l'ennemi et de manquer d'audace. Tout en ayant déjà choisi son remplaçant, il lui ordonne d'aller livrer bataille.
Alors que les deux flottes s'approchent l'une de l'autre, Nelson, par pavillons interposés, fait délivrer ce message fameux à tous ses navires : "L'Angleterre attend de chacun qu'il fasse son devoir." Contrairement à l'usage qui veut que les flottes s'affrontent parallèlement, en ligne en se croisant plusieurs fois pour mieux se canonner quant on se trouve face à face, Nelson utilise une manœuvre différente, consistant à mettre ses navires en deux colonnes perpendiculairement à la ligne franco-espagnole pour la couper en deux. Villeneuve n'est pas surpris, car il connaît son Nelson, mais ses bateaux manœuvrent mal, se mélangent au lieu de se coordonner et prennent de plein fouet les salves des canons à mitraille des anglais, une autre supériorité sur leurs rivaux.
Au bout du bout, si Nelson perd la vie dans ce combat, la défaite adverse est totale.
/image%2F1330483%2F20250511%2Fob_afcb1c_trafalgar-1200hr-fr-svg-le-plan-de-nel.png)
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Coup_de_Trafalgar
Le coup de Trafalgar au théâtre
En 1934 est créée au théâtre de l'Atelier à Paris la pièce "Le coup de Trafalgar". Alors que le guerre de 1914-1918 menace puis éclate (c'est le "coup de Trafalgar"), les habitants d'un immeuble de la rue de Montorgueil se rassemble et parlent de leur quotidien banal alors que tout se délite autour d'eux.
L'Amiral Nelson : un vainqueur en morceaux
Le fameux amiral, qui a sa statue à Londres en raison de ses victoires, perd un œil devant Calvi, puis un bras devant Cadix, et finalement la vie au cours de la bataille navale de Trafalgar.
/image%2F1330483%2F20250510%2Fob_c01936_image-1330483-20161203-ob-e84047-nelso.jpg)
L’Amiral Nelson racontant en 1797 la bataille de Santa Cruz de Tenerife, non loin de Cadix, où il conduisit en personne les assauts : « J’étais en train de faire un bras d’honneur en direction des espagnols, quand soudain…un tir de mousquet fatal… » (De Daniel Confland, et totalement apocryphe.)
°°°